mercredi 21 juillet 2010

archives 2008, la leçon mélancolie


Arts et Métiers du livre, n°269, novembre-décembre 2008

Les éditions Carré d’Encre


Marie-Laure Missir a fait de l’univers surréaliste sa spécialité. Elle a rédigé une biographie de Joyce Mansour (Jean-Michel Place, 2005) et de nombreuses érudes parues en revues. Reprenant à son compte une des techniques artisitiques favorites de ce mouvement, elle illu

stre de neuf collages originaux les poèmes d’Anne-Marie Beeckman dans La Leçon mélancolie : « Faire dérailler le déjà vu, entrouvrir les volets des possibles, désynchroniser les sensations et proposer un lieu où respirer dans la fragile immobilité retrouvée. Le collage est une fenêtre d’évasion aventureuse. Il récupère les vestiges, parfois juste des éclats des milliers d’images qui nous sont données. Mais il ne se contente pas d’être le constat de ces brides éphémères. Le collage fait naître un certain désordre, léger, sourd ou brutal. Il se présente comme une menace pleine de promesses parfois […] Par de fines déchirures, des écartèlements de motifs, des dissociations abusives, chaque collage tente de capter l’instabilité des images toutes faites pour la ranimer. Le collage tranche dans l’unité rassurante et déploie loin des filets de la logique des hypothèses peut-être contagieuses, des questions dont vous détenez certainement les réponses ». Marie-Laure Missir réalise des assemblages d’images sans lien entre elles, recréant une nouvelle réalité, détournant les images originales de leur signification pour les métamorphoser. Ils portent la marque du fantastique, de l’étrange et de l’inattendu, caractéristique du surréalisme. Ce travail quasi chirurgical – recréation d’un monde à la pointe du scalpel – est imprimé en numérique (papier Arches traité et encres pigmentaires) avec une finesse et un rendu parfaits.

Marie-France Missir, mère de la première, a d’abord été institutrice avant de quitter l’enseignement pour se consacrer à temps plein aux arts plastiques. Elle a découvert les multiples avec le graveur Hervé Aussant puis s’est perfectionnée à l’atelier du Thabor à Rennes et à l’école des Beaux-Arts de la même ville, où elle s’est également formée à la sérigraphie. Pour le dernier-né de ses livres, La société des mots, elle illustre un texte d’André-Pierre Arnal : « Dans la société des mots, on fait commerce de tout : pour le savoir, pour l’amour, pour les voyages, pour les transactions multiples, pour la tendresse comme pour la guerre, Pour Dieu comme pour le Diable. Il y a des mots qui valent plus que d’autres car ils sont soumis à la loi de l’offre et de la demande (…) Beaucoup soupirent et continuent à rêver d’une longue phrase où ils trouveront leur place au soleil ». Des fragments de calligraphie déstructurée se découpent sur de larges bandes de peintures aux reflets dorés et argentés. Ils sont imprimés en sérigraphie par l’artiste elle-même, tout comme le texte en Garamond qui les accompagne. On est en admiration, encore une fois, devant ce travail si fin et délicat. Le livre de bibliophilie de qualité a décidemment de beaux jours devant lui et les éditions Carré d’Encre le servent à merveille.

par Stéphanie Durand-Gallet

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